L'art de la joie
Happily Divorced (Saison 1) Une Nounou d’Enfer, vieille et seule
Une Nounou d’Enfer, alias Fran Drescher, a bien vieilli et nous le fait savoir. Au lieu de rester dans l’ignorance, dans la pénombre d’un ranch luxueux pour star déchue, la baby-sitter colérique et mélodramatique, revient à la télé, douze ans après ses adieux en tant que Miss Fine. Un come-back inespéré qui n’aurait jamais du voir le jour.
Sur Tv Land, la petite chaîne qui ne compte pas, les sitcoms traditionnelles, en carton pâte et rires gutturaux, sont reines, comme un hymne fait aux années 80-90. Après Betty White, ancienne Golden Girl, qui a droit à une gloire bienveillante depuis Hot In Cleveland l’an passé, c’est au tour de Miss Fine, alias l’actrice Fran Drescher de forcer l’hommage et les remerciements. Malgré les rides et les yeux abaissée, Fran, sa chevelure jais furieuse, ses grandes dents et sa voix écaillée, bien intactes, reviennent nous hanter.
Finies donc les séances éducatives, Fran s’attaque aujourd’hui à la tolérance et à l’homosexualité en incarnant ici une quinqua fraîchement divorcée après le coming-out soudain de son mari. Restée en bons termes, la fleuriste et l’agent immobilier décide de continuer leur vie sous le même toit, acceptant l’épanouissement et les flirts de l’autre. Si le potentiel scénaristique paraît limité, l’intérêt pour la série demeure dans ce concept de fiction déguisée, puisque l’histoire est directement inspirée de la propre vie de l’actrice, qui après vingt ans de mariage, a vu son époux (Peter Marc Jacobson, créateur de la série et d’Une Nounou d’Enfer) partir pour un bellâtre. Doublement cocue, cette Fran délurée.
Malgré cette authenticité initiale, Happily Divorced est une calamité. Si la subtilité, la délicatesse et la modération n’ont jamais été des qualités prégnantes chez Fran Drescher, on peut constater avec effarement que la version datée de la Nounou est pire encore. Dans les épisodes introductifs de cette sitcom old-school et poussiéreuse, Fran paraît cliniquement plus hystérique, plus terrifiante que l’actrice qui régnait avec coffre chez les Sheffield.
A l’image de son faciès paralysé, les scènes et les répliques de cette série, écrite en automatique, sont aussi figées que l’actrice archivée. Rythmée comme une parodie de comédie musicale, faussement jeune (d’où les références faciles à Glee et Grey’s Anatomy pour l’auto-persuasion) et sans aucun parti-pris humoristique, Happily Divorced est un come-back forcé, un char d’attraction bariolé mais dégradée d’une Gay Pride manquée, un fauteuil couinant d’un sénior lui-même fatigué par sa joyeuseté. Sans âme, sans regard moderne, sans esprit, Happily Divorced est une succession crispée de saynètes stupides et prévisibles dignes d’une bouffonnerie de rue.
En 1993, Fran pétillait sur nos écrans, avec ses tenues colorées et ses manières assumées. En 2011, la vulgarité et les moues hautes en couleur de la feue nounou figurent au registre de l’insupportable, de l’hérésie télévisuelle. Et Happily Divorced au sommet des séries à ne jamais tenter. Navré, Nanny.
2/10